
Tremblement de terre en Turquie : La réfutation du “Destin / Mektoub” et le détournement des fonds publics
Le tremblement de terre qui a frappé la Turquie en 2023 a mis en lumière des problèmes profonds, tant sur le plan de la gestion des catastrophes que sur celui de la responsabilité morale et politique. Le théologien İhsan Eliaçık, lors d’une intervention télévisée sur “TELE 1”, a abordé deux sujets cruciaux : la réfutation de l’argument du “kader” (destin) souvent invoqué par les autorités politiques, notamment le président Recep Tayyip Erdoğan, pour justifier les catastrophes, et le détournement des fonds publics, notamment ceux de la taxe séisme, collectée depuis des décennies.
La réfutation du “kader” : une critique théologique et politique face aux autorités
L’un des points les plus marquants du discours d’Eliaçık est sa réfutation de l’argument du “kader”, souvent utilisé par les responsables politiques, et en particulier par le président Erdoğan, pour expliquer les catastrophes naturelles. Face à la tragédie, Erdoğan et d’autres figures politiques ont invoqué le destin, suggérant que les événements étaient inévitables et relevant de la volonté divine. Pour Eliaçık, cette manière de penser est non seulement erronée sur le plan théologique, mais aussi dangereuse sur le plan politique, car elle détourne l’attention des responsabilités humaines et des échecs de gestion.
Eliaçık explique que dans le Coran, les catastrophes ne sont pas présentées comme une fatalité divine, mais plutôt comme le résultat des actions humaines. Il cite plusieurs versets pour étayer son argument : “Ce qui vous atteint comme malheur est dû à ce que vos mains ont acquis” (Coran, 42:30). Selon lui, les catastrophes naturelles, comme les tremblements de terre, sont souvent aggravées par des facteurs humains tels que la corruption, la mauvaise gestion, et la construction de bâtiments non conformes aux normes de sécurité.
Il critique particulièrement l’utilisation du concept de “kader” par les responsables politiques et religieux pour apaiser les populations et éviter les questions gênantes. En qualifiant les victimes de “martyrs” ou en invoquant la volonté divine, ces responsables empêchent les citoyens de demander des comptes et de chercher des solutions concrètes. Pour Eliaçık, cette attitude est non seulement irresponsable, mais aussi contraire à l’esprit du Coran, qui encourage les croyants à agir avec justice et à prendre des mesures pour prévenir les catastrophes.
Le détournement des fonds publics : une trahison envers les citoyens
Un autre point central de l’intervention d’Eliaçık est la question des fonds publics, en particulier la taxe séisme, collectée depuis 1999. Cette taxe, qui devait servir à financer des mesures de prévention et de reconstruction en cas de catastrophe, a atteint des sommes colossales – près de 800 milliards de livres turques selon les estimations. Pourtant, face au tremblement de terre de 2023, il est apparu que ces fonds n’avaient pas été utilisés de manière efficace.
Eliaçık dénonce ce qu’il qualifie de “trahison” envers les citoyens. Malgré des décennies de collecte de fonds, les bâtiments se sont effondrés comme des châteaux de cartes, et les secours ont été insuffisants. Il critique notamment l’AFAD (Agence de gestion des catastrophes et des urgences), qui, malgré son budget conséquent, a demandé des dons via des numéros IBAN dès les premiers jours de la catastrophe. Pour Eliaçık, cette situation est inacceptable et révèle un grave manque de transparence et de responsabilité de la part des autorités.
La nécessité de justice et de responsabilité
Eliaçık ne se contente pas de critiquer ; il appelle également à une action concrète. Il demande que les responsables de la mauvaise gestion, de la corruption dans la construction, et de l’inaction face à la catastrophe soient traduits en justice. Il mentionne spécifiquement les maires, les responsables des travaux publics, et les promoteurs immobiliers qui ont permis la construction de bâtiments non conformes aux normes de sécurité.
Il insiste sur le fait que les citoyens ont le droit de demander des comptes sur l’utilisation de leurs impôts. Pour lui, accepter passivement les explications religieuses ou politiques, c’est renoncer à sa responsabilité en tant que citoyen. Il appelle à une prise de conscience collective et à une mobilisation pour exiger la transparence et la justice.
Conclusion : Un appel à l’action
Le discours d’İhsan Eliaçık est un appel à l’action, à la responsabilité, et à la justice. Il rejette l’idée que les catastrophes sont simplement une question de destin et insiste sur la nécessité de prendre des mesures concrètes pour prévenir de telles tragédies à l’avenir. Il critique sévèrement le détournement des fonds publics et la politisation de la catastrophe, tout en appelant les citoyens à ne pas se contenter de passivité et de résignation.
En somme, Eliaçık nous rappelle que les catastrophes naturelles ne sont pas seulement une question de forces naturelles, mais aussi de responsabilités humaines. Et c’est en assumant ces responsabilités que nous pourrons éviter de nouvelles tragédies. Face à l’argument du “kader” invoqué par les autorités, il oppose une vision plus juste et plus responsable, fondée sur la transparence, la justice, et l’action collective.