
5 Cultures Païennes Ont Influencé l’Islam – L’Analyse de Yaşar Nuri Öztürk
Introduction
L’Islam, bien qu’ancré dans une révélation divine, s’est développé au contact de différentes civilisations. Le professeur Yaşar Nuri Öztürk, théologien turc réputé, a identifié cinq grandes cultures païennes qui ont marqué l’histoire de l’Islam.
Ces influences, parfois subtiles, parfois flagrantes, ont façonné des pratiques religieuses et des croyances encore présentes aujourd’hui. Analyse de ces emprunts culturels et de leur impact sur la tradition musulmane.
1. La Culture Païenne Arabe : Entre Monothéisme et Polythéisme
Avant l’Islam, La Mecque était un carrefour religieux polythéiste. Les Arabes vénéraient Allah comme divinité suprême, mais lui associaient d’autres idoles (Al-Lât, Al-Uzzâ, Manât).
Le Coran a fermement rejeté cette forme de shirk (associationnisme), en insistant sur un monothéisme pur. Pourtant, certaines coutumes préislamiques, comme le pèlerinage (Hajj), ont été réinterprétées dans un cadre islamique.
Öztürk souligne que cette transition n’a pas effacé toutes les traces du passé : certains rituels locaux se sont maintenus sous une forme islamisée.
2. L’Héritage Perse : Administration et Arts
L’empire sassanide a profondément influencé le califat islamique après les conquêtes. Les Abbassides ont adopté des structures bureaucratiques persanes, ainsi que des traditions artistiques (calligraphie, architecture).
Öztürk note que cette influence a enrichi la civilisation islamique, mais a aussi introduit des éléments hiérarchiques étrangers à l’esprit égalitaire du Coran.
3. Le Soufisme et l’Empreinte Bouddhiste
Le mysticisme islamique (soufisme) a intégré des pratiques issues du bouddhisme :
- La méditation (muraqaba)
- L’usage du chapelet (tasbih), similaire aux mala bouddhistes
Ces emprunts, bien qu’”islamisés”, révèlent un syncrétisme culturel. Öztürk y voit une ouverture spirituelle, mais rappelle que le Coran privilégie une relation directe avec Dieu, sans intermédiaires rituels.
4. La Culture Grecque Antique
La philosophie grecque a eu une influence profonde sur la pensée islamique, en particulier pendant l’ère abbasside. Les textes grecs ont été traduits en arabe par des érudits musulmans et juifs, permettant à l’Occident de redécouvrir ces œuvres pendant la Renaissance. Cependant, Öztürk critique cette influence, affirmant qu’elle a “emprisonné” l’esprit dynamique du Coran dans une pensée grecque statique. Il cite Muhammad Iqbal, un penseur musulman du XXe siècle, qui a critiqué cette assimilation de la philosophie grecque.
Le Rôle des Traductions Arabes dans la Renaissance Occidentale
Pendant l’âge d’or islamique (notamment sous les Abbassides, aux VIIIe-XIIIe siècles), les érudits musulmans ont traduit en arabe un grand nombre de textes philosophiques et scientifiques de la Grèce antique. Ces textes incluaient les œuvres de philosophes comme Aristote, Platon, et des scientifiques comme Euclide et Galien. Ces traductions ont été réalisées dans des centres intellectuels comme Beytül Hikme (la Maison de la Sagesse) à Bagdad.
Ces textes, une fois traduits en arabe, ont ensuite été retraduits en latin et en d’autres langues européennes à partir du XIIe siècle, notamment en Espagne (Al-Andalus) et en Sicile, où les échanges entre les mondes musulman et chrétien étaient intenses. C’est ainsi que des penseurs européens comme Thomas d’Aquin et d’autres ont pu accéder à la philosophie grecque.
La redécouverte de ces textes grecs, via leurs versions arabes, a joué un rôle clé dans la Renaissance européenne (XIVe-XVIIe siècles). Les idées de la Grèce antique sur la raison, la science, la politique et l’art ont inspiré les penseurs de la Renaissance, permettant un renouveau culturel et intellectuel en Europe.
Ce que Dit Öztürk (et Iqbal) :
Öztürk, en citant Muhammad Iqbal, souligne un paradoxe :
- Les musulmans ont “pris à la cuillère et donné à la louche” : Ils ont absorbé la philosophie grecque (pris à la cuillère) et l’ont transmise à l’Occident de manière encore plus généreuse (donné à la louche).
- Mais cela a eu un coût pour l’Islam : En se concentrant sur la philosophie grecque, les penseurs musulmans ont, selon Iqbal, “emprisonné” l’esprit anti-classique, dialectique et dynamique du Coran dans une pensée grecque statique et spéculative.
5. Le Chamanisme Turc : Rituels et Superstitions
Certaines pratiques islamiques populaires en Turquie et Asie centrale trouvent leur source dans le chamanisme :
- Les veillées funéraires (7e, 40e, 52e nuit)
- Les offrandes aux morts
Öztürk dénonce ces coutumes comme des innovations (bid’ah) sans fondement coranique. Pour lui, l’Islam devrait se recentrer sur l’éthique sociale plutôt que sur des rituels empruntés.
Critique des Pratiques Non Coraniques
Öztürk appelle à un retour aux sources coraniques et à une compréhension plus dynamique de l’Islam.
Il critique les pratiques populaires comme la récitation du Coran pour les morts, qu’il considère comme des ajouts culturels sans base dans les enseignements originaux. Il insiste sur l’importance de se concentrer sur des actions sociales et caritatives plutôt que sur des rituels superflus.
Conclusion : Un Islam Entre Pureté et Pluralité
L’Islam, comme toute religion vivante, a absorbé des influences extérieures. Ces emprunts témoignent de sa capacité à dialoguer avec d’autres cultures.
Mais, comme le rappelle Öztürk, cette richesse comporte un risque : la dilution des enseignements coraniques dans des traditions locales.
La solution ? Un retour critique aux sources, distinguant l’essence révélée de l’Islam des ajouts historiques. Un défi toujours actuel et necessaire.
link youtube : https://www.youtube.com/watch?v=Kkast1zoVc4